METTRE MOTS, IMAGES ET BUTS SUR SA PEINE: LES JEUX VIDÉO, CES AIDANTS INATTENDUS

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(Crédit: Spiritfarer, du studio Thunder Lotus Games © 2020)

Par JULIE VIEIRA, Créatrice de moments

Véritables films interactifs où l’utilisateur prend en partie ou en totalité le contrôle du récit, les jeux vidéo de tout acabit sont de plus en plus mis de l’avant, surtout auprès des jeunes de la « Génération Nintendo » (individus ayant connu l’avènement des consoles de jeux ou des systèmes de divertissement).

De plus en plus considérés comme des outils de vulgarisation au même titre que les livres et les films, les jeux vidéo ajoutent une valeur supplémentaire au niveau de l’implication de l’endeuillé.e. Là où les livres mettent des mots et les films, des images, les jeux vidéo le.la conduisent à s’impliquer dans le déroulement de l’histoire de par ses actions, ses décisions, ses réflexions et ses actions.

Amener la personne en deuil à s’immerger dans un récit où la mort et les émotions qui s’y rattachent sont matérialisées sous formes d’environnements, de textes, de séquences, de cinématiques et de personnages dont le vécu résonne avec la réalité du joueur peut proposer des pistes à l’endeuillé, permettant d’affronter l’inconnu de ses émotions face à sa nouvelle réalité…

Parfois, le déroulement du jeu se fait dans l’abstrait; l’interprétation, jumelée à l’action du joueur de traverser le concept du titre proposé, vient consolider l’implication de l’endeuillé.e dans un procédé qui se veut ludique, mais qui le.la porte à réfléchir et, surtout, à vivre l’expérience.

Pour citer des titres qui m’ont été partagés lors de conversations informelles autour de la machine à café dans le cadre de mon emploi (hey oui, j’occupe aussi un poste dans ce domaine!), on m’a souvent mentionné le jeu GRIS, du studio Nomada et publié par Devolver Digital. Dans ce jeu, le joueur incarne une jeune femme perdue dans son monde imaginaire, tantôt coloré et chaleureux, tantôt abstrait et inconnu. Sa vie est brusquement chamboulée par une épreuve abstraite mais douloureuse, et le voyage à travers sa souffrance se manifeste via des formes et des aspects différents de sa robe, qui lui sert d’outil et de protection.

J’y ai moi-même joué, je l’ai fait d’un bout à l’autre, et c’est encore aujourd’hui un des jeux que je suggère le plus à mes proches et ma clientèle, peu importe le type de deuil vécu.

La détresse et la résilience de la Fille sont palpables et impossibles à nier, alors que tout le reste peut être lu d’une manière propre au regard de l’utilisateur. Le thème du deuil est bien présent et concret au travers des actions et de la mise en scène – environnements, musiques, effets sonores et visuels, etc. –, mais les parallèles entre ce que vit la Fille et ce que traverse le joueur sont libres d’interprétation; à lui de se rendre du point A au point B comme il l’entend, tant qu’il se rend.

Et dans le tourbillon de l’Inconnu – avec un grand i – qu’est le deuil, des supports tangibles tels que la musique, les couleurs, les actions, les séquences qui se tiennent entre eux peuvent grandement affecter la capacité de verbalisation ou de consolidation des émotions et du ressenti de l’endeuillé.e.

Comme dans tout, il faut quand même être vigilant.e, et faire ses devoirs: toujours prendre la peine de lire le synopsis d’un jeu avant d’y jouer, pour éviter de se retrouver face à des contextes confrontants qui, sans avoir pu l’anticiper, pourrait approfondir des émotions moins joyeuses, notamment la colère ou la tristesse, par exemple.

Pour conclure, voici une liste de suggestions de jeux « aidants » de mon cru :

  • I Am Dead (Hollow Ponds; Annapurna Interactive)
  • Spiritfarer (Thunder Lotus Games)
  • That Dragon Cancer (Numinous Games)
  • A Mortician’s Tale (Laundry Bear Games)
  • Wanderstop (Ivy Road; Annapurna Interactive)
  • My Little Puppy (Dreamotion Inc.)
  • To the Moon (FreeBird Games)