Par CYNTHIA J. BRUNELLE/ Créatrice de moments
et JEAN-PIER GRAVEL/ Président-fondateur du DDM
Il y a ceux et celles qui choisissent la tradition : à la mort d’un être cher, une église, une cérémonie empreinte de sobriété devant des gens vêtus de noir, un dernier hommage dans un cadre connu qui se termine au salon funéraire.
Et c’est parfait ainsi.
Mais il y a aussi ces personnes, de plus en plus nombreuses, qui veulent autre chose. Qui sentent qu’en 2025, le temps est venu de dépoussiérer un peu les rituels. Qui sont attiré.e.s par le spirituel, mais moins par l’autel.
Qui sont peut-être face à un humain gravement malade, en fin de vie, ou qui souhaite demander l’aide médicale à mourir, et qui ressentent un puissant besoin de le célébrer de son vivant, question qu’il puisse entendre tout l’impact qu’il a eu sur son entourage.
Des individus qui rêvent donc d’un événement où l’émotion se déploie sans retenue, où les souvenirs se tissent en direct, où l’on se permet d’être ensemble, autrement.
De la cérémonie funéraire à l’hommage anticipé
Avec le vieillissement de la population que chacun.e connaît, le nombre de décès qui ne cesse d’augmenter (environ 78 000/année actuellement, mais autour de 100 000 dans 10 ans), et le nombre record ICI de demandes d’aide médicale à mourir à travers le monde(!), pas étonnant que le milieu funéraire soit en profonde mutation.
Mais qui a instauré la règle selon laquelle nous devions obligatoirement attendre la mort pour commémorer les nôtres ?
Surtout si le processus de création de ce moment de bonheur fait autant de bien à l’hommagé.e qu’aux vies qui gravitent autour de lui.d’elle ?
À travers certains exemples de Célébrations marquantes, nous souhaitons vous inspirer à arrêter le temps qui passe à votre tour…
Des exemples d’inspirations
« La mémoire du cœur »
Comment faire pour ajouter de nouveaux souvenirs à la collection d’une dame qui souffre d’Alzheimer précoce, et dont l’enjeu est justement de voir sa mémoire s’effacer tranquillement?
C’est le défi auquel on fait face quand le clan de la grande Sandra Demontigny, porte-parole de l’AQDMD, souhaite la fêter.
Comme toujours, le recours à certaines questions magiques permet d’avoir accès aux 5 sens de Sandra, et à tout ce que ceux-ci lui ont permis d’expérimenter. Des interrogations telles que « La plus belle chose qu’elle a vue? », « Un rêve inachevé? », ou encore « Le lieu de ses premiers souvenirs? » sont comme autant d’outils d’un coffre au trésor!
Fort.e.s de ces réponses qui en dévoilent tellement sur les êtres, l’instinct est de lui organiser un parcours à son camp de vacances de jeunesse, au Lac en Cœur!
Sur place, trois amies de longue date la surprennent par leurs mots en haut de la tourelle, une autre copine l’émeut aux larmes via son message caché à l’intérieur d’une bouteille à la mer dans l’étang, la comédienne Marina Orsini lui envoie une vidéo, puis les membres de sa famille lui préparent un spectacle à même la chapelle de l’endroit, auquel participent même des enfants qu’elle a aidés à mettre au monde en tant que sage-femme…!
Le tout se termine par la bouteille de bulles ouverte sur le petit pont, même sous la pluie, suivi d’un portrait de groupe sur le quai qui ressemble justement à une bulle de bonheur infini.
Et le titre de la Célébration s’impose de lui-même : « La mémoire du cœur ». Car au fond, c’est la seule qui compte vraiment…
« La Vie, le Temps et l’Amour »
Dans le cas de Marie-France, atteinte d’un cancer incurable, le flash pour élaborer son scénario provient d’un film: « Beauté collatérale », avec notamment l’acteur Will Smith.
Le jour J, une limousine blanche passe chercher M-F et sa grande amie chez elle- juste cette portion était déjà un rêve pour elle! Puis, au cours de deux arrêts sur le chemin, la Vie monte à bord (la comédienne Guylaine Guay), et ensuite le Temps (l’auteur Simon Boulerice, armé d’un immense sablier) en devient le second passager.
Chacune de ces personnalités lui livre un texte inédit, toujours dans la peau de son « rôle ».
Arrivée au belvédère du Mont-Royal, Marie-France répond à une cabine téléphonique où elle apprend que pour incarner l’Amour, il n’y a pas mieux qu’ELLE. Cachée derrière les arbres, sa gang la monte au sommet en traîneau, avant que coup sur coup :
-des jumelles lui permettent de découvrir une gigantesque affiche sur un gratte-ciel du centre-ville;
-et qu’un chœur de jeunes filles lui offre des pièces de son film-fétiche « Les Choristes », juste avant que l’actrice Joëlle Lanctôt débarque sous les traits de son idole : Mary Poppins!
Le pouvoir de la musique n’est jamais à sous-estimer…
Marie-France est aujourd’hui décédée, mais a tenu à souligner avant son départ la puissante dose de lumière et tout le bien que ces instants lui ont procuré en pleine noirceur.
Un rite de passage rempli de sens
Célébrer une personne avant son départ, c’est au fond lui offrir un dernier grand moment de bonheur et de reconnaissance. Ce type de rituel permet non seulement d’apaiser la personne qui s’apprête à partir, mais également de laisser place à un espace où les proches peuvent exprimer leurs émotions en sécurité, pour éventuellement amorcer leur processus de deuil d’une manière plus douce.
Il ne s’agit pas simplement d’un moment de partage : c’est véritablement un rite de passage qui permet à tous de mieux vivre l’absence à venir. La présence, les mots échangés et les souvenirs emmagasinés lors de ces célébrations deviennent des ancrages précieux pour ceux qui restent, puisqu’ils sont issus de connexions profondes.
La force cachée du rituel, c’est qu’il assure de façon concrète qu’une fois l’être cher décédé, nous n’aurons pas d’autre choix que de repenser à lui!
Prenez l’entourage de Sandra, pour qui le son du « Pop ! » de champagne sera toujours synonyme de cette flûte dégustée tout en étant complètement détrempé, ou alors celui de Marie-France, qui n’entendra plus jamais les musiques des « Choristes » et de « Mary Poppins » de la même façon désormais…
Avant de se quitter…
Et si nous cessions de voir la mort comme une coupure brutale, pour plutôt la considérer comme un dernier chapitre que l’on peut écrire ensemble?
Une étude* menée par l’Université du Québec à Trois-Rivières a exploré la relation entre les rituels funéraires et la résolution du deuil chez les aînés au Québec. Les résultats suggèrent que la participation active à la planification des rituels funéraires peut faciliter la reconstruction d’une nouvelle identité après la perte d’un être cher. Cette recherche met en évidence l’impact positif des cérémonies personnalisées, tant pour le défunt que pour les proches, et renforce l’importance de marquer ces passages avec sens et humanité.
Nous ne pouvons qu’imaginer l’impact positif des célébrations du vivant de nos amours…
(*Source: Chagnon, J. (1994). Influence des rituels funéraires sur la résolution du deuil chez les personnes du troisième âge (mémoire de maîtrise, Université du Québec à Trois-Rivières)).